Des fois, il y a des moments où quand même t'es super fier de toi. Ca arrive pas souvent alors, bon. Il faut en profiter à fond. Ma façon d'en profiter c'est - entre autres, de t'expliquer pour me vanter allégrement de mes capacités (>> C'est de l'humour ça, du second degré, tout ça... Je sais que ça peut te coûter un petit effort mais fais comme ci, au pire!). En des temps lointains, vachement lointains et presque immémoriaux, j'entrais en classe de CE2.
Ma tante se mêle les pinceaux dans la distribution des cadeaux de noël - je reçois un CD.
Rammstein.
J'écoute, ça me plait. C'est en langue allemande, je ne comprends strictement rien, ça me plaît quand même. En plus on avait un cours d'initiation à l'allemand, c'était méga chouette, avec Birgit, les comptines, les contes de Grimm : l'allemand à huit ans, ça a l'air de roxer du poney.

Donc en des temps un petit peu moins lointains, j'entre en sixième.
-LV1 allemand, s'il vous plaît...
-Vous êtes sûre de vous?
me demande de répéter la préoposée aux inscriptions avec un air mi-suspicieux, mi-inquiet :
-Ouais, je répète avec un air mi-inquiet, mi-motivé
(Et même que Rammstein ça dépote sa mère).

Et j'en ai bavé. L'allemand au collège ça relevait de la punition. Déjà je trouvais la langue particulièrement complexe parce que les langues casuelles, franchement, c'est pas mon délire, mais en plus la prof était insupportable. Sans compter que tous mes amis avaient pris anglais, j'étais donc seule en classe, moralité, c'était triple peine.
Les trois heures d'allemand qui se couraient après dans mon emploi du temps sonnaient comme autant d'heure de torture moyenne-âgeuse "Der/Das/Die/Die, Der/Den/Dem..." blablalablabla (auf Deutsch, bitte).

Mais en plus, deux ans après que j'eus commencé l'allemand relativement inconsciemment, arrive sur la scène "culturelle" française un groupe un petit peu particulier...
TOKIO HOTEL.
Ô rage, Ô désespoir.
J'avais déjà la sensation d'être trahie par l'éducation nationale voilà que la pop culture allemande s'y mettait aussi. Heureusement, en parallèle, dans les cours d'histoire de troisième, des juifs massacrés, des dictateurs fous, des pactes germano-soviétique : le bonheur sur Terre. Enfin, dans les manuels scolaires quoi. Je me réconcilie un petit peu avec la culture Allemande quand je découvre la radio des adolescents allemands qui, croyez moi, était d'un autre niveau que Skyrock (bien que ça soit pas difficile).

Je quitte le collège, allez, direction le lycée. Découverte d'une super prof d'allemand, madame G. Déjà, elle a plein d'avantages non négligeables : c'est une prof d'allemand qui parle allemand (ce qui aide quand même vachement). Ensuite, elle est dynamique, elle joue de la musique et l'allemand ne se résume plus à "der/das/die..." mais à des cours extraordinaires sur Willy Brandt, la Réunification, elle allait même jusqu'à parler de phénomènes de société super comme "l'Ost-algie" (littéralement "la nostalgie de l'Est" : càd, la nostalgie de la douce époque soviétique où les gens n'étaient pas espionnés, pas emprisonnés pour rien et surtout pas envoyés au goulag, pensez bien, les soviétiques sont des gens pleins d'idéal, il n'est pas question de ça).
On a vu des films géants, "Good Bye Lenin", "Joyeux Noël", "Le Pianiste" (à ce sujet : SI ADRIAN BRODY TRAINE SUR CE BLOG... sache que je t'aime vraiment beaucoup), "Das Leben den Anderen", "The Edukators"...

Je pardonne tellement à l'Allemagne et aux allemands de m'avoir infligé le collège que je vais même pousser le vice jusqu'à m'inscrire en Section EUROPEENNE ALLEMAND.
Et mon pardon n'est pas bien récompensé car à l'époque ou je m'inscris d'abord (et là, c'est de ma faute) même avec un prof d'allemand à domicile et des cours de cned je ne suis pas parvenue à combler les terribles lacunes que j'ai en langue allemande. Ensuite, ma super prof part à cause de problèmes de santé et enfin, ce qui devait être un cours de civilisation et de culture s'est révélé être un espèce de cours d'histoire minable sur la guerre, encore des juifs massacrés, une vague allusion au dix-neuvième siècle mais franchement, rien de significatif.
Les femmes de ruines, la reconstruction, le procès de nurember.
Changement de prof
Encore des juifs massacrés
Changement de prof
Oh le vilain communiste qui marche sur Berlin
Changement de prof
Je vous ai parlé des juifs massacrés?

Au bout de deux ans, je manque tellement de courage que je décroche même pas la mention européenne au bac. Et j'en ai strictement rien à cirer.
L'allemand, c'est marre, j'abandonne.
Je pars un an en fac où la langue n'est même pas proposée. Tant mieux, ça évite des regrets. Je fais un an d'anglais, ça me plaît même pas. C'est peut-être pas mon truc les langues.
Et puis un jour, je sais pas. Un peu un hasard en fait.

Dans la rue, un type.
-Frau ! Verstehen sie Deutsch?
-Euh.... ich spreche gern English.
Il en a rien eu à foutre, il a dit ce qu'il avait à dire en allemand (et puis alors, de l'allemand, du vrai allemand, du vrai boche qui pue le fin fond de la Bavière à moitié Swebisch). Et là, miracle.

J'ai compris.
RENGORGEE à l'idée d'avoir compris de l'Allemand d'Allemagne, j'achète un Bled Allemand, je potasse et puis je reprends prépa, la deuxième langue est obligatoire, je re-prends allemand, je re-pardonne à l'Allemagne et je me remets à travailler dare-dare. Les notes suivent pour la première fois. Et j'ai eu mon premier quatorze en allemand. EN PREPA.
<3

J'explique la situation que je trouve assez anecdotique pour la souligner à ma mère qui pianote sur son ordinateur. Et là elle me sort :
-Ah bin tiens, tu sais qui c'est qui parle allemand aussi?
-Euh?
-Ton prof d'histoire.

...(LONG SILENCE).
-Maman, tu stalkes le prof d'histoire le web?
-Non mais regarde, c'est son nom là.

(Si si, elle a stalké la bio du type sur le web. On ne les tient plus les vieilles, je vous jure!).
Et là y'a des mères qui diraient des trucs comme "Super ma puce, bientôt tu pourras faire partie de l'élite!" avec un air fier dans les yeux.
La mienne elle a dit "bah putain, avant que t'arrive au niveau d'un type comme ça, va falloir que t'en aies des quatorze en allemand, hein gamine.".

Merci, vieille, trop gentille.

Langue de merde, va !

@KapitaineFlake